Nepal

rencontres...

Pour la premiere fois depuis le debut de notre voyage, nous decouvrons un pays dans lequel la vaste majorite de la population, a notre grande surprise, parle un tres bon anglais. Le nepal, destination touristique depuis de nombreuses annees, ainsi que theatre de toutes ces expes himalayennes aux equipes "occidentales", s'est mis a la langue de Shakespeare depuis longtemps deja - du plus jeune au moins jeune, nous arrivons a echanger. Il ne s'agit plus pour nous de piocher dans notre vocabulaire d'une cinquantaine de mots dans la langue locale pour nous exprimer, ou encore de faire gestes et autres grimaces. Grace a l'anglais, nous pouvons dialoguer avec les habitants de maniere beaucoup plus approfondie. Et c'est ainsi que le Nepal, pour nous, va rimer avec rencontres...

Tout d'abord avec ce garcon de 13 ans, fils des proprietaires d'un petit boui-boui ou nous nous regalons de momos et de nouilles sautees. Il porte le maillot de l'equipe de foot d'Angleterre, mais sa vraie idole, nous dit-il, c est Zinedine Zidane... Vous connaissez? Nous demande-t-il avec une etincelle dans les yeux. Il n'aime pas la tele, mais si zizou joue, il se debrouille pour trouver un petit ecran. Yvoine se revoit des annees en arriere alors qu'elle collectionnait les images de foot avec ses freres. Son equipe preferee, elle s'en rappelle, c etait Lens, probablement parce qu'il avait du rouge sur leur blazon. Alors, la, au milieu des momos et des nouilles, on parle foot, et des exploits de Zinedine Zidane. On finit par lui promettre de lui envoyer un maillot de l'equipe de France, parce-que Zinedine Zidane, apres tout, ne joue pas pour l'equipe d'Angleterre. La deuxieme idole de ce garcon, c'est Albert Einstein, "le pere de la science" nous annonce-t-il. Son objectif dans la vie, c'est de devenir le nouveau Albert Einstein! Ces declarations, faites dans une petite maison a peine salubre, ou l'eclairage est plus fait a la bougie qu'a l'electricite, nous emplissent d'espoir quand a l'avenir de ce pays.

La veille, une autre jeune fille de 14 ans, alors que l'on buvait le the chez ses parents, nous avait demande pourquoi, a notre avis, le Nepal etait en retard dans son developpement, et ce qu'il fallait faire pour que ce pays aille de l'avant. Elle avait des questions par centaines, s'interrogeant sur le monde, et la place du Nepal dans ce meme monde. Insatiable dans sa curiosite, elle voulait etudier les sciences, pour faire avancer son pays. Elle s'excuse a la fin de nous avoir pose trop de questions! Il nous semble que la jeunesse de ce pays est extremement ouverte a ce qui se passe ailleurs, et pleine de volonte. Esperons que cela ne disparaisse pas avec l'age adulte, les mariages jeunes, une vision assez traditionnelle de la place dans la societe, selon le sexe et le statut social.

Et ce jeune garcon de 13 ans, qui dans son anglais impeccable, vient trouver Yvoine avec son atlas: d'ou viens-tu? Lorsqu'il lui demande son nom, et qu'elle repond Yvoine, il la regarde sans comprendre. "Mais, quel est ton nom de caste?" "Oh, McCort, je suppose..." L'air sceptique, il dit "mais ce n'est pas un nom de caste francais, ca?" Et Yvoine de repondre dans le language que ce garcon peut comprendre: "non, c'est le nom de caste de mon mari, qui est neo-zealandais. Mon pere m'avait donne le nom "Remy" puis ensuite mon mari m'a donne son nom McCort". Satisfait, les questions fusent: qui est le nouveau pape? Comment s'appelle-t'il? Est-ce vrai que les occidentaux ne vont plus aux festivals religieux parce-qu'ils n'ont pas le temps (facon d'expliquer la perte de religiosite dans nos pays a des nepalais dont la religion est au coeur de la vie quotidienne)? Et, est-ce qu'on connait Marie Curie? C'est son modele... La science tient une grande place dans les tetes des enfants de ce pays. Lorsqu'il nous quitte, il nous souhaite bon courage: "moi, je n'arrive meme pas a pedaler 10 km..."

Et puis ce journaliste qui nous offre a dinner, puisque nous sommes ses invites. Lorsqu'on lui demande quelle est, a son avis, la solution a cette guerre civile qui affecte tant le Nepal, il nous repond, l'air blase "ca fait 10 ans que ca dure, ce sera pareil pour les 10 annees a venir". Cette guerre se fait ressentir quotidiennement, et comme souvent, les habitants en sont les otages. Tous les jours, les journaux annoncent entre 5 et 20 morts, du cote des forces de l'ordre ou des maoistes. Un autre jour, c'est un bus de passagers qui explosent a 50km au sud de la ou nous sommes: 42 morts. Un autre jour encore, nous nous faisons arretes par des journalistes du Nepal Daily Times qui ecrivent un article sur notre aventure. Ils reviennent d'un village 24km plus loin: 6 femmes et enfants de policiers ont ete assassinnes par des maoistes. Cette guerre devient extremement personnelle. Tous maintenant ont un voisin, un copain, un parent qui a ete tue. Lorsque les journalistes du Nepal Daily Times nous demandent ce que l'on pense de cette guerre, nous choisissons nos mots avec attention: "cette situation est triste, parce-que ce que l'on voit en voyageant, c'est que tout ce que veulent les habitants de ce pays, c'est la paix". Pour la vaste majorite, cette guerre, c'est l'enfer. Les nombreux nepalais qui vivaient du tourisme ont perdu leur revenu: les touristes ne viennent plus au Nepal. Les autres, fermiers et paysans vivant de ce qu'ils cultivent, perdent et leur nourriture et leurs enfants ou maris lorsque les maoistes descendent dans leur village et pillent ce qu'il y a a manger et forcent les hommes a rejoindre les forces maoistes. Circuler est devenu au mieux inconvenient, au pire dangereux: les points de controle de l'armee et de la police sont omni-presents, mais cela ne suffit pas toujours et c'est ainsi qu'une mine explose au passage d'un bus. Face aux maoistes, il y a le roi - arrive la dans des conditions qui ne sont pas toujours claires chuchote-t-on -, qui a pris les pleins pouvoirs. Peut-etre la seule solution, a condition d'avoir la population de son cote... Au dire des nepalais que nous rencontrons, ils ont peu d'estime pour ces partis politiques corrompus qui demandent au roi de retablir leur legitimite et representation. Mais les reactions sont plus mitigees lorsqu'il s'agit de commenter le sort reserve aux journalistes. Le roi met en place de nombreuses mesures de censure sur la presse, et nombres interdictions (comme celle, par exemple, le jour ou nous arrivons a Kathmandu, d'interdire aux radios FM de donner des nouvelles (des "news") pour se conformer a une regle internationale qui dit qu'aucune radio au monde ne fait dans les nouvelles...!?!?). Il se met ainsi les journalistes a dos (et meme en met plus d'un en prison), et avec eux, une partie de la population... Climat tendu, qui semble mener a une impasse, dont nous ne voyons pas bien qu'elle peut en etre la porte de sortie.

Une autre rencontre, encore, avec cet adolescent, si fier de nous annoncer que son grand frere est parti il y a 4 mois aux Etats-Unis, enrolle dans l'armee americaine... Cela nous donne la nausee. Il est tellement plus facile de justifier la guerre chez soi lorsque les soldats qui meurent ne sont pas americains... Notre monde est parfois un bien triste spectacle...

Et ces nombreuses conversations de 5 ou 15 minutes avec ces ecoliers qui rentrent a velo de l'ecole, avides de connaitre. Ou cet etudiant journaliste qui decide de pedaler 4 km avec nous, le temps de nous poser 25 questions (bon debit)... Ou ce militaire qui nous offre a boire et qui nous demande, le fusil nonchallement pointe sur nous, "est-ce que vous aimez l'armee nepalaise?"

Des habitants avides de rencontres et tellement chaleureux. Leur pays est dans l'impasse. La solution ne leur apparait pas evidente. Dans l'un des derniers villages nepalais que nous traversons, la silhouette a taille humaine d'un epouvantail maoiste pendu a un arbre nous jette un froid dans le dos. Et nous rappelle, alors que nous entrons en Inde, que la solution n'est effectivement pas a portee de vue...

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